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La nuit a été agitée. Jusqu’à l’aube, le vrombissement de métal agressif des avions n’a pas cessé, culminant dans des explosions brutales, signes que des immeubles s’effondraient dans la banlieue sud de Beyrouth. Parfois c’étaient des grondements de tonnerre qui prenaient le relais. Au matin, je suis sorti sur le grand balcon, et bien entendu, rien n’avait bougé, tout était encore semblable à soi-même. Nous habitons à proximité de la banlieue sud, raison pour laquelle nous entendons tout. Mais quand on s’éloigne vers le nord de Beyrouth, ou dans les montagnes, on n’entend rien, c’est comme si la guerre n’avait pas lieu.
D’ailleurs, lorsque vers 11 heures, je m’assoie à ma table de travail, sur le grand balcon, le calme est devenu complet. Il fait chaud, le ciel d’automne est brillant et tendre. J’entends la moto d’un livreur, des voitures passent sur l’avenue. Une scie grésille depuis dix minutes. Quelqu’un balaie dans la rue. Des enfants crient dans la cour du collège. Ce n’est pas le vacarme habituel des jours normaux, loin de là, beaucoup de parents n’ont pas envoyé leurs enfants à l’école, mais le collège est ouvert, la cloche sonne.
Ce qui rend le calme presque bucolique de cette journée radieuse encore plus pénible, outre ce drone qui commence à bourdonner au-dessus de nos têtes, c’est le vide qu’il dispense. Nous sommes tous, et comme tous les jours, dans l’expectative, suspendus à ce que l’avenir nous réserve. Il n’y a pas un citoyen libanais, du plus subtil analyste politique au plus naïf garçon épicier qui ne se batte contre cette terrible prison que représente aujourd’hui l’avenir. Pourtant, on tente sans fin de l’imaginer, de le construire. Pour cela, il n’y a que quelques rares combinaisons possibles. Soit les Israéliens l’emportent, soit le Hezbollah, soit l’on en arrive à un cessez-le-feu et à des négociations. Et indéniablement, ce sont là trois solutions désastreuses.
La victoire d’Israël est insupportable par principe, parce que l’Etat hébreu n’a jamais incarné, vu d’ici, que l’occupation et l’oppression brutales, et ne laissant derrière lui que ruine et misère. La victoire du Hezbollah, improbable au vu de la fragilité extrême dont cette organisation a fait preuve et de l’élimination de ses chefs, serait de son côté pour beaucoup la reconduction du cauchemar pour un pays mis sous la coupe de ce parti totalitaire et arrogant depuis vingt ans. Un cessez-le-feu ou des accords, quant à eux, auraient aussi forcément tendance à reconduire la présence du Hezbollah, mais sous une forme imprécise et donc inquiétante, puisque ce parti ayant perdu tout son commandement se trouverait directement sous la coupe de l’Iran. Et si Israël en arrivait à accepter un accord, ce serait en contrepartie de quelque chose dont forcément le Liban devra payer le prix.
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